Yves Viollier "Raymonde"

Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'efforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"

«Je ne suis pas assez méchante pour me donner en exemple» Sab plagiant Louis Ferdinand Céline

dimanche 1 août 2010

LES SAGES PAROLES DE JACQUELINE...

Alors que le débat sur la sécurité, la nationalité française qu'on doit déchoir ou pas, ces parents de mineurs démissionnaires qu'on peut éventuellement mettre en prison à la place de leurs chers rejetons. Parmi tous ces débats qui font fureur... Posons nous et lisons ces paroles qui ont été écrites en 1998 par Jacqueline De Romilly. Ils prennent du relief avec les évènements actuels. Issu du livre "Le Trésor des savoirs oubliés"



Les problèmes de notre temps, chacun les connaît ; l'actualité ne cesse de les rappeler, d'en dire la gravité. Tous sont d'accord : nous vivons en un monde de crises. Et j'emploie à ce dessein ce mot au pluriel en lui donnant tout son poids et toute sa force. Ils s'agit de crises politiques et sociales, de crises morales et aussi, j'y reviendrai, d'une crise de l'enseignement.

Je n'insisterai pas sur ces faits dont l'évidence est indiscutable. Comment ne pas parler de crise politique, quand on voit les gouvernements et les partis alterner, sans susciter l'intérêt d'une bonne partie du pays ? quand on voit les hommes politiques poursuivis, quelque soit leur parti, dans des procès et mis en examen, ce qui prouve ou bien qu'ils ont été fort légers et égoïstes, par rapport au bien public ou alors que leurs ennemis montrent un acharnement lui aussi contraire au bien public. Comment ne pas parler de crise sociale, quand tous insistent sur la fracture existant entre les différentes couches de la société, quand tant de gens sont sans emploi, quand la jeunesse perd confiance dans l'avenir parce qu'elle se voit réduite au chômage, quand enfin une partie importante de la population traîne non seulement sans travail, mais sans droits, sans respect des règles, sans logement, sans véritable espoir - tout cela, on le sait, ne va pas. Tout cela révèle une atmosphère de crise. De là résultent toutes sortes de troubles. Nous vivons dans un monde où la violence sévit partout, où la sécurité n'est plus assurée. Même les progrès de la science finissent par créer des crises, en faisant naître des pollutions, des risques d'empoisonnement divers, que ce soit le sang contaminé, l'amiante, la vache folle, ou encore les dangers d'explosion - la menace est partout, autour de nous. Je ne parle même pas des menaces qui viennent d'une vie sociale désorganisée où les grèves sont souvent sauvages, où les manifestations tournent elles aussi à la violence. Et comment ne pas rapporter tout cela à une crise morale ? Cette crise morale peut être le résultat de difficultés ; elle en est aussi, en partie, la cause ; mais elle est indéniable. Si les hommes politiques prêtent au soupçon, si les citoyens se désintéressent de la collectivité, si les jeunes eux-mêmes, et dès l'âge scolaire, se déchaînent en violences et en destructions, alors que le seul salut serait pour eux de préserver le bien commun sur lequel doit se prélever leur propre part et se fonder leur avenir, alors c'est qu'il y a une crise morale grave.

Je lisais ces jours-ci dans les journaux l'agression de ces quatre garçons qui ont, sans aucune raison  au monde, précipité à l'eau et noyé un homme âgé et infirme, qui pêchait tranquillement au bord de l'eau sans faire de mal à personne. Ils l'ont tué et ils n'avaient pour cela aucun motif particulier. Ils voulaient simplement se distraire, faire une farce, montrer leur indépendance. Ils ont montré en réalité qu'ils étaient des esprits vides, à qui nul n'avait appris le respect d'autrui, à qui nul n'avait enseigné des façons de se sentir responsable et capable d'agir raisonnablement : entraînés par l'excitation, ils avaient agi comme des bêtes ou plutôt de façon pire ;car je ne suis pas sûre que les animaux se livreraient à de tels actes : il faut pour cela l'encouragement d'une propagande libertaire et d'une éducation trop timide. Oui ! La crise se traduit dans les esprits eux-mêmes et elle menace vraiment la dignité de l'homme.

Tout cela, on le comprend. Il s'agit en somme d'une évolution brusque qui a sapé, à la fois, ou peut-être successivement, les valeurs religieuses, le rôle de la famille, le sens de l'obligation, le respect d'autrui et bien d'autres traits sur lesquels se construit une société. 

De toutes ces crises, celle qui atteint l'enseignement mérite un traitement à part. Qu'elle existe en elle-même et que beaucoup s'en plaignent, je crois que c'est indiscutable. Il est pitoyable de voir la France compter une proportion d'illettrés supérieure à celle de la plupart des autres pays, puisqu'elle est de plus de 40 %, alors que la France avait pour tradition d'être en ce domaine un modèle ou au moins le centre d'un rayonnement culturel souvent reconnu. Mais je n'évoquerai pas une fois de plus, cette question de niveau et de problèmes propres à l'enseignement. A mon avis cette question doit être mise à part des autres et cette crise également ; car elle n'est pas sur le même plan. Elle peut paraître mons grave, on la voit moins, mais elle a avec ces autres crises un rapport qui est, en partie, de cause à effet - et cela de façon directe.

Dans une certaine mesure, les difficultés de l'enseignement sont l'effet du malaise de la société. Si la cellule familiale n'avait pas été abolie, ne s'était pas trouvée ramenée, dans bien des cas, à une seule personne et vouée à une constante instabilité, les parents auraient pu se charger de ce rôle d'éducation et de formation qui manque si cruellement aujourd'hui. D'autre part, si la société n'avait pas partout remplacé le sens du respect par celui d'une complète égalité, l'atmosphère de l'enseignement aurait été meilleure et l'anarchie qui règne aurait été évitée. On ne peut s'empêcher de penser au fameux texte de Platon dans la "République", où il décrit les excès de la démocratie en signalant que, dans ces régimes extrêmes, le professeur a peur de ses élèves et qu'il les imite au lieu que ce soit eux qui l'imitent lui.

Mais il est plus important de comprendre que l'enseignement prépare la société de demain. Que c'est lui qui forme les hommes qui auront à se débattre, à trouver un emploi, à le garder, à s'y briller, çà inventer de nouvelles entreprises, à mener une meilleure politique, à se faire entendre de leurs concitoyens et qui prépare ces concitoyens à juger librement et clairement sans se laisser aller au gré des phrases toutes faites, du langage de bois et des propagandes qui les menacent aujourd'hui de partout.

Naturellement, ce n'est pas par l'éducation qu'on résoudra tous ces problèmes divers, économiques et sociaux. Mais, inversement, il me paraît absurde de vouloir les résoudre sans tenir compte de l'élément humain, qui y est impliqué en premier chef.

Jacqueline De Romilly

De vraies et sensées paroles à méditer....

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