Yves Viollier "Raymonde"

Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'efforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"

«Je ne suis pas assez méchante pour me donner en exemple» Sab plagiant Louis Ferdinand Céline

lundi 23 août 2010

Carnet de Voyage. Première halte : L'auberge de Peyrebeille.... Dite l'auberge rouge...






Depuis ce 19 juillet, je me pose sans cesse une question. Si cela se trouve cette expression "On est pas sortis de l'auberge" vient de l'Auberge Peyrebeille... Et si je continue sur ce délire, je peux que me poser une autre question. Peut être De Palmas est passé prendre le petit déjeuner à cet endroit et aurait entendu  une chansonnette "Oh Marie qu'est que tu nous as fait". Marie étant le prénom de la femme de l'aubergiste Pierre Martin....

Tout d'abord, un peu de géographie... et d'histoire... Sans ça vous ne comprendrez pas le piège qu'était devenu l'auberge pour les voyageurs. Dans le temps, l'Ardèche et la Haute Loire étaient de vastes plateaux désertiques. Plaines, forêts...Certes, cette impression est encore vivace mais la modernité a fait son oeuvre. Les routes actuelles n'existaient pas mais des chemins parcouraient ces régions. Beaucoup de voyageurs, de forains... S'y déplaçaient vers le Puy. Peyrebeille est à la croisée des chemins. Les chemins qui descendaient vers l'Ardèche, Concouron, Aubenas, Privas qui étaient des vastes bourgs à l'époque. Langogne, en passant par Pradelles, tout aussi important vers le Sud, vers la Lozère et en continuant vers Montpellier. Et vers le Nord, Le Puy en Velay, Clermont Ferrand, St Etienne...

Bref dans ce milieu de nulle part, cette auberge aurait pu être un refuge pour les voyageurs épuisés par tant de marche... Mais...

Cela n'en fut pas le cas, bien au contraire.

Nous sommes dans les années 1808 (date d'installation des Martin à l'Auberge). Je vous les présente. Pierre Martin, Marie Martin et leurs deux filles Jeanne Marie et Marguerite (ils avaient perdu un fils à cause de leur extrème pauvreté de leur condition de fermiers). Ils s'installent à l'auberge en 1808. Embauchent  Jean Rochette comme domestique qui aura vite un surnom de Fétiche...Les filles sont mises en pension chez le curé pour l'école.

Durant toutes ces années, les époux Martin jouissent d'une excellente réputation. Marie est bien vue par les plus pauvres.  Pierre, aimable, diplomate avec tout le monde et particulièrement avec les autorités. 



Mais dernière cette apparence si trompeuse, il y a un mystère... Depuis 1808, des voyageurs rentrent dans l'auberge et disparaissent... Mais rien ne laissait présager le pire. Ce n'étaient que des rumeurs.

Tout éclate lorsqu'un mendiant, Laurent Chaze frappe à la porte des Martin. Il se fait refouler (pas assez riche). Il réussit avec malice à entrer dans la grange de l'auberge pour y passer la nuit. Et le pauvre malheureux assiste (de manière auditive) à l'assassinat d'un certain Enjolras. Enjolras était un vieux monsieur assez connu dans la région. Un berger assez aisé. On découvre son cadavre le 26 octobre 1831 au matin à une dizaine de kilomètres de l'auberge.  Un cadavre décomposé. Mais sans le témoignage de Laurent Chaze (qui raconte à tous ceux qu'il croise sa nuit horrible à l'auberge à l'époque twitter n'existait pas), rien ne laissait supposer la culpabilité des aubergistes. 

Le piège était machiavélique en somme. Marie faisait entrer le voyageur dans la salle à manger, l'amabilité de Pierre faisait mouche. Le voyageur se croyait face à des amis. Se laissait aller, se confiait. Avait confiance. Marie lui faisait un excellent repas (elle était réputé d'être une bonne cuisinière) mais écoutaient les confessions de ses clients par le système astucieux de trous dans la cloisons bien camouflés... 
 
Salle à manger
  Pendant que le client terminait son repas, Fetiche allait dans sa planque, un réduit au dessus des marches.


Ainsi camouflé, il attendait l'arrivée du client. Dès que celui ci arrivait pour aller dormir, empruntant l'escalier. Fetiche l'assomait et celui ci se refaisait aussi assommer par la poutre en bois dans le contrebas. Les aubergistes n'avaient à finir "le travail" : achevant de tuer le voyageur (en l'égorgeant, l'étranglant), le dépouillant de tout son argent et objets de valeur.

 Et le cadavre passa par le four crématoire pour être réduit en cendres... Au prochain....

Le four crématoire
 Si les voyageurs se succédaient à une plus grande vitesse, les cadavres étaient camouflés dans les placards de la cuisines et passaient par un système de  trappe afin d' y être incinérés...

Cela a duré pendant des années entre 1808 et 1831... 53 Voyageurs "officiellement" déclarés avaient disparus et avaient un point commun, ils avaient tous passé le porche de l'auberge.....

Grâce au témoignage de Chaze, les autorités ont arrêté dans leur auberge les aubergistes et leur domestique. Ils ont été jugés. Un jugement assez rude car tous les témoignages assuraient de la bonne réputation des époux Martin. Les crimes trop incroyables que les gens ne pensaient pas à ce qu'ils soient les responsables de ces forfaits. Mais le témoignage de Chaze à la barre fera éclater la vérité. Les époux Martin et Fétiche ont été condamnés à Mort. Et seront exécutés le 2 octobre à 1833 à 11 heures sur la place de leur auberge. L'endroit est encore visible par le "menhir" apposé à cet endroit.



 Tout ceci pour l'avidité, l'amour bête de l'argent...


L'auberge de nos jours...

Pas évident de faire un reportage d'époque. Cette auberge est florissante. Elle est bien réputée (pas seulement à cause du funeste fait divers) mais par les routiers (qui m'ont bien gênée pour les photos). Et les touristes en escale. Un hôtel est construit juste à côté tout comme un bar, magasin de souvenirs et aussi une station essence. L'auberge est donc devenue ce qu'elle aurait du être depuis le début. 

On a interdiction de photographier l'interrieur (j'ai seulement mis les cartes postales). Mais de l'exterieur, on peut remarquer que les voyageurs ne pouvaient pas s'en sortir, les barres aux fenêtres l'attestent. Quand on rentre dedans, on est transportés dans l'autre siècle et on en ressort pas franchement indemne.  Je le déconseille pour des personnes sensibles et les enfants de moins de 16 ans. Je vous l'assure....


Mais les gens du coin font bien planer la drôle d'ambiance. Je me souviens de mon beau père disant à mon mari... Pauvre Sabine, elle va rentrer dans l'auberge et en sortira seulement pas la cheminée... Les légendes sont si  tenaces.

Ah ! si les Martin, avaient su que leur histoire allait être sans le savoir la base du plus grand crime contre l'humanité du XXème siècle... Les camps de concentrations nazis. Même façon d'agir en quelque sorte, seulement les moyens changent à cause du progrès technique. Les douches n'existant pas à Peyrebeille...Qui sait que les inventeurs de la Shoah on eu vent de cette histoire...

Quel dommage que le film "L'auberge rouge" soit un parfait ratage... Car il y aurait pu avoir toute la matière à faire un bon film mais le casting genre "bronzés" n'est pas du tout genre à le rendre crédible... Jugnot, Clavier (nuls) et la seule qui aurait pu faire une Marie plus vraie que nature (certes un peu trop grande par rapport à la vraie Marie qui était menue), Josiane Balasko se retrouve bien mal entourée...Dommage...

Anecdote : 

On a longtemps fait croire qu'un préfet de l'Empire y avait été égorgé. Mais en fait, la vraie histoire était que ce fameux préfet était le sous-préfet d'Yssingeaux en Haute Loire, connu sous le pseudonyme de Baron Haussmann, cet homme allait changer la face de Paris quelques années plus tard. Il s'était arrêté à cette auberge et par chance pour lui, trouva pas cette auberge assez confortable et en sorti bien vivant. D'ailleurs, il a consigné ce passage de sa vie dans ses mémoires.

"Il était six heures du soir... On étouffait dans la cuisine qui servait de salle à manger et de salon pour prendre l'air, sur la route, nous nous fîmes ouvrir la porte qui était barricadée. Une lueur apparaissait entre deux montagnes et nous reconnûmes bientôt avec joie celle de la lune qui allait se lever. La pensée d'échapper aux lits d'une propreté douteuse, déjà préparés pour nous et d'aller en chercher ailleurs de moins suspects, si tard que ce fût, nous vint... Minuit sonnait quand nous arrivâmes au Puy, exténués comme nos montures."

Pour un peu Paris n'aurait pas connu son look haussmanien... Comme quoi la petite histoire aurait pu changer le cours de la grande histoire...

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