Yves Viollier "Raymonde"

Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'efforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"

«Je ne suis pas assez méchante pour me donner en exemple» Sab plagiant Louis Ferdinand Céline

mercredi 13 octobre 2010

L'HOMMAGE A BERNARD CLAVEL D'YVES VIOLLIER

Issu du site "La Vie" dont je mettrai le lien à la fin de ce post.....Hommage que vous trouverez format papier demain ou vendredi au plus tard dans vos kiosques... Je le copie colle afin de le conserver en archives....

Hommage

Bernard Clavel, l’homme qui allait "racines en l’air"
Yves Viollier - publié le 11/10/2010






Un accident vasculaire cérébral l'avait rendu silencieux depuis des années mais les lecteurs de La Vie n'auront pas oublié l'un des écrivains les plus populaires de la fin du siècle dernier : Bernard Clavel est mort le 5 octobre, à l'âge de 87 ans. Il était né dans le Jura, avait grandi dans une famille très modeste, avant de se tourner vers le journalisme puis le roman. Notre collaborateur Yves Viollier, qui fut son ami, lui rend hommage.




« Depuis sept ans, nous étions déjà un peu orphelins de Bernard Clavel. Un accident vasculaire cérébral nous l’avait en partie enlevé. Nous ne croisions plus la massive silhouette du géant boxeur, qu’il fut dans sa jeunesse. Sa voix de râleur généreux contre les bêtises du monde nous manquait. Ses livres surtout. Ses deux derniers romans publiés en 2002 et 2003 ont été « La table du roi » et « Les grands malheurs ». Leurs titres sonnent comme un testament.

Son premier roman en 1956 s’intitulait L’ouvrier de la nuit. Et pendant un demi-siècle, il nous a donné une centaine d’œuvres, des romans surtout, des contes et nouvelles, quelques essais, qui tous plongeaient leurs racines dans une enfance et une jeunesse du côté du Jura, entre Dôle et Lons-le-Saulnier, entre Doubs, Saône et Rhône. Il a quitté le pays de ses origines pour vagabonder partout en France, et en Irlande, en Suisse, au Québec. Mais, à chaque nouveau déménagement, c’était pour constater, citant Francis Carco qu’il aimait, "qu’aussi vite que l’on aille, le pays de nos rêves demeure inaccessible".

Chacun de ses livres – qu’on se rappelle les beaux titres de ses séries Les Colonnes du Ciel ,La grande Patience, s’efforçait de donner à toucher le courage et la peine, la colère et l’amour, la souffrance et la joie, dans le cœur des hommes et des femmes auprès de qui il avait grandi. C’est ainsi que dans Les fruits de l’hiver qui lui valut le Prix Goncourt en 1968, il ressuscite à sa manière ses parents trop vite disparus et cherche à les comprendre. "Mon père aimait sa terre et je ne m’en suis jamais avisé de son vivant."

Il n’est pas étonnant qu’à s’intéresser ainsi à ce qui se passe dans la chair et les âmes des plus humbles il soit devenu l’un des écrivains les plus populaires de la seconde moitié du XXème siècle. Il donnait une voix et une force à ceux qu’on n’entend pas, qui s’identifiaient à ses personnages. Il affinait avec une opiniâtreté d’artisan son outil d’artiste pour les faire entendre. Il était autodidacte. A 14 ans, il avait quitté l’école pour un apprentissage de pâtissier qu’il a merveilleusement raconté dans "La maison des autres". Il détestait les salons parisiens. Il a démissionné du jury Goncourt où il avait été fier de succéder à Jean Giono. Il a été toute sa vie un ardent militant de la paix et des droits de l’homme. Sa Lettre à un képi blanc prenait fermement le parti du pacifisme et du désarmement.

On pouvait craindre qu’après sept ans d’absence la voix de Bernard Clavel ait perdu de sa vigueur. L’écho que tous les médias ont donné à l’annonce de son décès, le 5 octobre, est réconfortant. On peut espérer que, dans les semaines qui viennent, ses grandes œuvres vont retrouver les premières places sur les tables des libraires. Chef de file d’une littérature qu’on peut qualifier de "terroir" au noble sens du terme, il aura été constamment un enraciné déraciné. Il aura repris à sa manière ces deux beaux vers du poète québecois Gilles Vigneault qui était son ami :

« Je suis comme un arbre en voyage
Je m’en vais racines en l’air »

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