Yves Viollier "Raymonde"

Oh Dieu, pourquoi donc en mourant ne nous as-tu pas mués en dieux ! Ma trajectoire quand je m'efforce de toute mon âme de la maintenir en droit ligne, si je me retourne elle ressemble à ces sillages laissés par les avions, dont le trait un instant précis, peu à peu se dissout, devient flou. Et tout est à refaire, tout s'efface, tout se ternit. Seigneur, donne moi un bout de ton crayon à la pointe si bien taillée, et guide ma main, que je fasse le portrait de ta création, que ce que j'écris te ressemble" Yves Viollier "Raymonde"

«Je ne suis pas assez méchante pour me donner en exemple» Sab plagiant Louis Ferdinand Céline

dimanche 12 septembre 2010

LA FIN D'UNE EPOQUE...

Charles d'Orléans cité par Michel Houellebecq en épigraphe de son livre : "Le monde est ennuyé de moy, Et moy pareillement de luy" "Le mode est ennuyé de moi et moi de lui pareillement".

Les deux écrivains veulent marquer la fin d'une époque chacun  à leur manière
 
Claude Chabrol, Bruno Cremer, Alain Corneau... tous ces gens de cinémas qui disparaissent... On en fait tout un bazar mais combien de lignes aura François Nourissier ou Jacqueline de Romilly ou au pire de Michel Ragon à l'annonce de leurs décès.. A peine un bandereau sur LCI. Les gens préfèrent la fainéantise du cinéma que de se bouger la cervelle pour aller lire un livre. 

Annonce de la retraite à 62 ans un certain 11 septembre. Cela sent la fin d'une époque.En économie, en politique (la Belgique qui s'enfonce de plus en plus dans une crise constitutionnelle dont elle ne s'en sortira pas indemne). Les responsables politiques sont dans l'expectative. Les changements seront inévitables. 

De toutes façons on ne contrôle plus rien. l'économie avec ses crises, le climat qui déconne, les virus (Houellebecq dit avec humour que la médecine est perpétuellement en retard d'un virus) et aucune solution ne s'offre à nous. Il nous manque des vrais penseurs politiques, ces inventeurs de nouvelles sociétés chez les politiciens...

Comme dans tous les domaines, la littérature arrive elle aussi à une croisée de chemins. La fin d'une époque aussi dans chez les écrivains. 

Tout d'abord une certaine lassitude de ce trop plein de sorties de livres (701 cette année) qui découragent libraires en premier lieu et les lecteurs ensuite. Trop de livres, impossible humainement de suivre cette avalanche de sortie. Trop de merveilles ignorées englouties dans cet océan de livres. Toujours les mêmes  têtes, toujours les mêmes livres. Comme le dit si bien Gérard Collard, à chaque rentrée littéraire, j'ai l'impression d'entrer dans une cathédrale avec toujours les mêmes icônes (ou si on veut  être méchant  des e connes)  à vénérer, c'est lassant à la fin. Et en matière d'images pieuses, on retrouve les spécialistes. Claudie Gallay qui nous fait un livre sur les intermittants du spectacle assez bien pensant, Gaudé avec son ouragan, Olivier Adam le "Sardou" des écrivains, toujours à faire la gueule, Despentes... Vous les trouverez tous sur les étals... Pas besoin d'une liste.

Pour moi les signaux de la fin d'une époque dans le microcosme littéraire provient par deux personnalités. Michel Houellebecq au niveau international (Houellebecq est traduit dans 40 langues !) et au niveau régional Yves Viollier.

Pour Yves Viollier, j'en avais parlé lors de ma deuxième partie de critique de son dernier roman "Delivre moi". Yves permet, enfin, à sa manière de romancier (il ne se considère pas comme historien)  d'en finir avec les Guerres de Vendée. Qu'on a trop évoqué. Vous n'aviez qu'à dire vendéen et on vous bassine avec la guerre de Vendée. Pas un rayon de littérature sans les incontournables guerres de Vendée. Vraiment, il fallait tourner la page. La Vendée est esclave de son passé. Esclavagisme savamment entretenu par certains. On peut se souvenir mais empêcher les autres générations de vivre cela n'est plus possible.  Déjà, on ne peut pas se promener dans le département sans qu'on ne tombe pas sur un calvaire, un mémorial des guerres de Vendée. D'ailleurs le Conseil Général continue à "entretenir la flamme" par les circuits touristiques et ouvertures de monuments. Yves Viollier sans renier du passé de son département veut lui offrir l'opportunité de regarder vers l'avant. D'imaginer le futur. De se réinventer chaque jour, d'explorer tant de chemins non visités. Aux Vendéens de les découvrir, d'arrêter de se pencher vers le passé. Je ne crois pas en la mémoire historique. Si elle existait, on éviterait bien des écueils, des actes terroristes, des guerres...Mais non on tombe toujours dans le panneau !


Michel Houellebecq

Je n'ai pas fini de lire son livre, j'en suis (seulement à la 100 ème page) et je peux dire que ce roman va changer la phase de la littérature. Un roman clé. Fini les romans d'introspection, de psychologie à la française, de ces écrivains tout justes capables de se regarder le nombril. Ils sont nombreux dans ce cas. Tous ces écrivains qui n'ont rien à dire et qui ose l'écrire. Tous ces histoires dont seuls leurs auteurs y croient. Ces romans de gare anesthésiants. Ces histoires à l'eau de rose à nous faire regretter Barbara Cartland (qui avait un vrai talent d'écrivain au moins). Ces beaux écrivains qui se la jouent les George Clooney de la littérature. Et voila que je te prends la pause et les fifilles craquez même si j'écris de la merde... Vous n'y verrez que du feu.

Michel Houellebecq siffle donc la fin de la récré. L'ermite irlandais (d'adoption) refait parler de lui. Enfin, on parle au cerveau des lecteurs. Les neurones sont actives. On lit son livre doucement, on retrouve l'intelligence que j'avais crue perdue à jamais.  Comment décrire la platitude de notre société. On est en train de devenir des sous hommes. Il enfonce le clou, Michel. Dans les années 60, 70 on parlait dans les cités de littérature entre les hommes. Maintenant que de foot, plus de littérature. Un signe. Notre société est vide. Vide de sens. On reproche le manque de panache des personnages de Houellebecq. Mais dans la vie, le panache n'existe plus.  On peut avoir des relations père fils vides de sens sans tomber dans le mélo. La vie est ainsi point barre. Cette société superficielle, consumériste n'est pas un décors de rêve pour l'invention, l'imagination. C'est pour cela Houellebecq propose la solution de la valeur refuge. Retourner aux racines, retrouver le chemin de la simplicité. La France a tellement d'atouts et ne les met pas en valeur.  C'est ce qu'il explique lors de l'enterrement de la grand mère de Jed. Certains critiquent Michel par son manque de sentimentalisme. Mais la société en a trop usé. On a même détruit un beau mot pour en faire un objet d'arnaque. Le mot "cœur". On l'a mis à toutes les sauces, Restos du cœur, machin du cœur, truc du cœur cela n'a plus de sens. Qu'une marque déposée. Les derniers relents de cette sensiblerie ambiante : La télévision et ses émissions culinaires anesthésiantes (pendant que mémère cuisine elle ne pense plus à rien mais retrouve ses soucis à la fin), la convivialité feinte,  la déco, les reportages de gens plus ou moins perdus. Le politiquement correct y a imposé sa dictature. Au secours !  Je comprends que Houellebecq soit tant décrié, il ose montrer en fasse nos failles, nos lacunes et nos lâchetés d'humains. Le cynisme consiste a voir les choses telles qu'elles sont et non telles qu'elles devraient être.  Wilde le disait bien avant,  Houellebecq n'a rien inventé. 

Une belle leçon d'un vrai écrivain. Comment décrire le vide de la société sans ennuyer le lecteur ? Vous trouverez la solution dans "La carte et le territoire" Vous ne regarderez plus les infos comme avant. Vous ne vous contenterez plus des écrivains à la mode.  Ce livre est un évènement majeur. On en a pas fini d'en découvrir les recoins. Même dans quelques mois. Il sera assez curieux de le relire quand il sortira format poche pour le redécouvrir.

J'en parlerai plus longuement quand je l'aurais fini. Quand j'aurais fini de découvrir ou se trouve le vrai Michel Houellebecq, dans Jed, l'homme toujours en retrait des autres ou dans Michel Houellebecq. Personnage entièrement créé par Michel pour se cacher lors des interviews. Je me doute qu'il est plus malin qu'il ne veut faire croire. Sa diction, sa façon de répondre faussement timide qui me fait penser à Sagan... Vraiment, je suis impatiente d'en savoir plus...

Je laisse le dernier mot à Michel Houellebecq sur Paris Match. Message d'espoir;

"Mon premier bon prof de Français, je l'ai eu en troisième. Je me suis débrouillé par moi même. C'est d'ailleurs pourquoi, non, je ne suis pas inquiet. Il faut faire confiance à la curiosité des gens. Ils trouveront, sur internet, les voies menant à ce qui les intéresse. Il n'y aura même plus besoin de support papier. Les éditeurs n'auront plus à se ruiner pour que restent les auteurs marginaux. Tout n'est pas perdu. Je dirais "Au contraire"


A suivre....

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