"Celine secret" Lucette Destouches aidée par Veronique Robert

"Toute ma vie avec lui, c'est comme si on m'avait cassé du verre dans le coeur. Il était comme une fleur dont je devais sans cesse tenir la tige droite. Je l'ai complètement maintenu".
Lucette Destouches

Veronique Robert est une amie de Lucette Destouches. Dans le temps, elle était son élève aux cours de danse. Elles deviennent amies intimes... Veronique voulait à travers son livre raconter Lucette... Mais Lucette ne veut que parler de Céline, son grand amour. 

«Il avait aussi alors un coté Gatsby, nonchalant, habillé avec soin, décontracté, il était d'une beauté incroyable, les yeux bleus avec juste un petit rond noir à l'intérieur. On était très différents l'un de l'autre, mais on s'est tout de suite compris. Les sentiments humains, on ne peut pas les fabriquer, ils vous tiennent, on ne sait pas pourquoi. Je n'osais pas lui parler, refusais de le tutoyer, je lui écrivais des lettres. Il n'étais pas question d'avoir une aventure avec lui.
Entre nous il y a eu une attraction physique très forte, après nous sommes devenus complices. J'ai attendu un mois avant de coucher avec lui. J'avais peur de m'engager et de souffrir. Louis avait une réputation de séducteur et je me méfiais. Je ne l'ai pas fait exprès, mais je n'aurai pas pu mieux agir. Il avait horreur de toutes ces filles faciles qu'il fréquentait.
Je l'ai aimé et épousé alors qu'il avait vingt ans de plus que moi et que je n'avais pas pris conscience que je passerais plus de moitié de mon existence sans lui.»

 

Il est vrai que Céline était un très bel homme, raffiné et élégant, un si beau sourire, le regard tendre... Les ravages de la guerre et de son incarcération le transformeront en "clochard", un vieillard avant l'heure...

Plus que l'intimité du couple, Lucette se révèle. La compagne des bons et surtout des mauvais jours. L'amie, la confidente, le roc de Céline... Lui le soit disant froid personnage capable de tout pour la femme qu'il aime. Il va jusqu'à l'aider financièrement, être prévenant surtout lorsqu'il s'agissait de la vie de sa femme après sa mort. Vingt ans les séparent.  Il va jusqu'à lui conseiller de mettre la maison de Meudon à son nom pour ne pas à avoir à souffrir de harcèlement de la part de Colette, fille de Céline d'un autre mariage.

Il lui avait écrit "C'est avec toi que je veux finir ma vie, je t'ai choisie pour recueillir mon âme après ma mort". Paroles prophétiques, car Lucette sera la première à défendre l'héritage littéraire de Céline. C'est grâce à elle que l'écrivain a une tombe ou tous les fans viennent en pèlerinage. Elle se battra mordicus contre la réédition des pamphlets comme le voulait Céline. 

Une si frêle femme et pourtant quel courage. Elle a su faire face à toutes les épreuves, l'incarcération de Céline (la sienne aussi, en pensant que son mari était mort). Les injures, les insultes... Une vie très dure. Une enfance malheureuse gâchée par une mère égoïste et odieuse. Elle puisait sa force et le courage dans la danse... Elle était la femme parfaite pour lui... Je cite :

«Pour mettre au point mes enchaînements, j'ai étudié toute seule le corps humain sur une planche d'anatomie où tous les muscles étaient indiqués. Louis m'expliquait ensuite à quoi ils correspondaient. Voilà pourquoi j'ai passé ma vie avec des gens accrochés à moi comme des ballons. Je les redressais, leurs apprenais à respirer, à  être dans leur corps. C'était épuisant. Comme les chiens, plus les êtres sont perdus, moches, abandonnés, plus j'ai besoin de les aider»

On croirait entendre Louis Destouches le médecin... 

Elle vivote actuellement dans sa maison de Meudon entouré de ses animaux "Quand on a l'habitude de vivre avec des animaux, on ne peut plus supporter les hommes. Eux seuls sont authentiques, ils ne trichent pas."

Ce n'est pas seulement un livre hommage à ce couple exceptionnel, c'est un hommage à toutes ces femmes, compagnes, maris et compagnons qui soutiennent les grands écrivains (ou artistes)... Un document bouleversant et vraiment on découvre un autre aspect de Céline au quotidien, bien loin des caricatures qu'on peut lire actuellement dans les journaux. Un livre d'actualité cependant... A ne pas manquer en cette année de commémoration célinienne...

«Un écrivain est un navigateur qui doit se battre contre les éléments, avoir une vie intéressante et mouvementée. C'est un créateur qui creuse pour trouver un trésor qu'il a en lui ; il n'y est pour rien mais, toute sa vie, il va approfondir. Céline était avant tout un artisan. Il construisait un bateau capable de voguer, puis c'était fini ; il n'était plus touché par ce qu'on pouvait en faire, en dire. Par contre, au moment de la fabrication, au sujet de l'écriture, il était pointilleux à l'extrême pour une virgule, des points de suspension.
Les émissions littéraires représentaient tout ce qu'il détestait. Il trouvait tout le monde ridicule : «Je te fais une fleur, tu me fais une fleur. Je te lèches, tu me lèches»» Lucette Destouches